Ariégeoise

Deux ans après la Lapébie, je reviens dans les Pyrénées pour terminer un mois de juin particulièrement montagneux. Aujourd’hui c’est à Tarascon-sur-Ariège que ça se passe, au départ d’une épreuve réputée et populaire : l’Ariégeoise. Plus de 5000 engagés sur les différents parcours proposés, l’organisation est imposante et rodée sous une météo annoncée très chaude. Le parcours XXL propose quelques cols méconnus mais très pentus, sur des petites routes et des descentes compliquées à gérer avec en point d’orgue l’ogre local : le plateau de Beille qui n’a rien à envier à l’Alpe d’Huez, bien au contraire 🙂 En première ligne dans le sas prioritaire je ne reconnais personne à part Sébastien Pillon (habitué aux places d’honneur sur cette épreuve) et Simon Carr (récent vainqueur de la grimpée du plateau de Beille), tous deux interviewés par le speaker.

AriégeoiseIl fait relativement chaud lorsque la cloche retentit, lâchant l’important peloton vers le pas de Souloumbrié. La route est étroite, tantôt pentue ou plate et Simon impose son rythme d’entrée, sans toutefois créer de vraie sélection. L’allure me rassure sur les jambes : encore très bonnes aujourd’hui 😉 Renseigné par les locaux la veille sur les pièges de cette route forestière je reste constamment dans les dix premiers pour éviter toute cassure, et arrive sans encombre à Ax-les-Thermes malgré quelques tentatives d’échappée et une descente tortueuse.

Le début du col du Pradel est de nouveau emmené par Simon : à 5.5 W/kg ça devient sérieux et le peloton explose logiquement après 50 km, ne laissant qu’une dizaine d’hommes en tête. Un léger replat permet de souffler légèrement, avant de remettre le couvert à 5 W/kg dans les derniers kilomètres du col : Nicolas Ansiaux s’isole avant le ravitaillement, où tout le monde s’arrête pour remplir les bidons. Je ne rate pas l’occasion et fais de même, avant de me concentrer au maximum sur la descente. Après deux bonnes heures de course c’est précisément là où je peux perdre le contact et les locaux ne se privent pas d’enchaîner les virages comme des perles. Sébastien est le plus adroit, suivi de Simon et quelques coureurs : ballotté entre les virages serrés, parfois gravillonnés et gêné par les zones d’ombre/lumière je suis incapable de suivre et perds régulièrement du terrain.

AriégeoiseJe frôle la catastrophe dans le dernier passage étroit et rapide, surpris par un nid-de-poule je dois sortir dans le bas-côté pour rectifier la trajectoire, ouf rien de cassé ! Dans l’aventure deux coureurs m’ont passé, je fais l’effort pour revenir et la chasse s’organise à une petite minute des cinq hommes de tête. Nous ne sommes que trois derrière, dont un qui essaie de s’accrocher aux branches… Pas gagnée cette histoire 🙁 Heureusement Nicolas Martin me donne un sacré coup de main, et nous stabilisons l’écart à 30-40″ en montant très fort à Espezel. La suite nous est moins favorable : peu de vent mais de grandes lignes droites, Rémi Benarfa passe quelques relais mais nous perdons à nouveau du terrain.

Au pied du col de Montségur je suis un peu dépité et maintiens un gros rythme tout en gardant du jus pour la suite… Et contre toute attente nous apercevons les hommes de tête qui ont franchement temporisé 🙂 La jonction est faite avant les gros pourcentages : nous voilà huit pour la gagne à 70 km de la ligne, situation rétablie même si je me serais bien passé de cette longue poursuite. Le groupe se réduit avec un accrochage de deux coureurs, puis un coureur lâché dans les derniers kilomètres plus chauds et pentus. Sébastien et moi assurons l’essentiel du travail pour basculer à cinq dans la descente. Celle-ci est large, rapide et bien revêtue : parfaitement encadrés par deux motos de la gendarmerie nous enfilons les virages comme des perles avant de reprendre de longues portions plates et rectilignes.

Le break est fait ; il est temps de souffler, se ravitailler car la température monte. Le faux-plat de Nalzen ne perturbe pas les relais, pris en-dedans car chacun pense au grand final. Nous dépassons régulièrement des coureurs de la Moutagnole et arrivons sans lâcher trop de forces au second passage du pas de Souloumbrié. Au son des klaxons de la gendarmerie nous nous frayons un passage dans la file de cyclosportifs des autres parcours, gardant de la marge pour éviter tout accrochage. L’allure s’intensifie également lorsque Sébastien accélère pour faire craquer Simon : je réponds du tac au tac et impose mon rythme sous la chaleur, confiant pour la suite… Seul Nicolas s’accroche, avant que Simon ne rentre dans le replat puis la descente.

Dernier coup de chaud dans celle-ci, encore plus étroite que les précédentes : des talents d’équilibriste sont nécessaires pour dépasser les autres concurrents mais je traverse Verdun dans la roue de Sébastien, suivi de Simon : mission accomplie, la victoire va se jouer entre nous trois 🙂 Un dernier slalom dans les Cabannes nous amène au pied du juge de paix de l’épreuve : le plateau de Beille. La première rampe à plus de 10 % donne le ton : Sébastien attaque d’entrée, contré par Simon… De mon côté je préfère monter à mon rythme : 5 W/kg tout de même après 5 heures de course, jusqu’au replat de Château-Verdun où je récupère un bidon laissé la veille 😉

Autour de 4.5 W/kg ça monte pas mal, à bonne distance de Simon qui a passé la seconde en tête. Pour le moment je garde Sébastien en visuel, à une trentaine de secondes dans la forêt qui offre de l’ombre et une relative fraîcheur. La situation évolue dans les kilomètres suivants : Sébastien passe en tête et je reprends la deuxième place à un Simon défaillant… Renseigné et encouragé par les commissaires je maintiens l’écart sous la minute pendant un moment, avant de connaître à mon tour la défaillance 🙁 Assommé par la chaleur (34°C) à flanc de falaise j’ai les pieds qui brûlent, bois abondamment mais tarde à m’alimenter, collé au bitume à mi-pente. Les kilomètres défilent très lentement et Simon revient à son tour pour me déposer, au moment où je me ravitaille en solide.

Le calvaire s’adoucit aux Estives, où la pente revient à des pourcentages de 6-7 %. J’y retrouve quelques forces : 4 W/kg n’ont rien d’exceptionnels et permettent de revenir sur Simon, lentement mais sûrement alors que Sébastien plie l’affaire devant… Près de la flamme rouge ça sent bon l’écurie, je repasse une dernière couche en même temps que le gros plateau et creuse un petit écart sur mon jeune adversaire. Celui-ci ne lâche rien à quelques secondes, et dans un ultime effort vient me souffler la place de dauphin, que je laisse volontiers tellement je suis épuisé. Plus régulier et meilleur gestionnaire dans le final Sébastien l’emporte donc en 5h57′, suivi de Simon et moi en 6h04′. Le quatrième Nicolas Ansiaux termine en 6h12′, le cinquième Guillaume Potier en 6h32’… Des écarts abyssaux dans une ascension rendue terrible par la chaleur, où finalement seul le vainqueur n’aura pas connu la défaillance.

Quelques minutes au ravitaillement me permettent d’apprécier ce résultat à sa juste valeur : dans un décor magnifique (que j’imagine fabuleux pour les fondeurs l’hiver) je poursuis ma série de podiums scratch début juin… Tout simplement énorme 😀 Il m’aura manqué lucidité et fraîcheur mentale pour viser mieux dans le final (et m’éviter un début de fringale bien pénible), sans toutefois pouvoir inquiéter Sébastien qui nous était supérieur. Place maintenant à du repos pour analyser ce magnifique mois de juin, et repartir de plus belle sur l’Arvan-Villards dans deux semaines !

Résultat(s) : Ariégeoise – parcours XXL

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