Après une semaine passée à se réhydrater et réalimenter suite à ma déconvenue de Morzine, c’est avec quelques incertitudes que j’aborde le grand défi vosgien que représente l’Alsacienne. Offrant 179 km et 4500 m de dénivelé avec des ascensions courtes (20-30′ maximum) et pentues, le grand parcours est particulièrement adapté à mes qualités. Si adapté que j’y pense depuis la fin de l’hiver ; forcément il y a un peu de stress sur la ligne de départ.
L’ambiance est décontractée dans le sas de départ, l’atmosphère chaude est sèche mais pas caniculaire. Les conditions sont réunies pour une belle journée de vélo, une « aventure humaine » avant d’être une compétition comme le rappelle justement l’organisateur au briefing 🙂 Durant le départ fictif je croise quelques têtes connues du cyclosport, des habitués des Trois Ballons mais aussi quelques très bons coureurs locaux. A Wattwiller les fauves sont lâchés, ça monte de suite au Vieil Armand.
Bob Adriansens impose immédiatement son rythme : calé dans sa roue autour de 5 W/kg c’est idéal pour une mise en route et faire une sélection de 25-30 coureurs. Scénario similaire au col Amic, puis au Grand Ballon où je donne un coup de main à Bob tout en gardant de précieuses cartouches pour la suite. A la bascule il ne fait pas chaud, je m’habille et manque de prendre une cassure sur la route des crêtes en me ravitaillant une première fois.
Au Markstein la plupart des coureurs du groupe de tête se ravitaillent dans la zone d’assistance dédiée (bonne idée de l’organisation) puis nous descendons pleine balle dans la vallée, poussés par un vent déjà bien présent. A Wildenstein nous entamons le col de Bramont, qui enchaîné avec la route des Américains devrait faire exploser le groupe. Le rythme est soutenu dans la première partie roulante, puis la sélection décisive se fait à 2 km du sommet sous l’impulsion de Simon Combes.
Ils sont six devant, Damien Richard essaie d’y aller mais cale ; de mon côté je reste bloqué à 5 W/kg, incapable d’accélérer au seuil avec des premières douleurs à l’estomac. Je gère et réalise une ascension correcte : au moment de reprendre la route des crêtes nous sommes une demi-douzaine de coureurs à 40″ de la tête. Les relais s’organisent difficilement car chacun veut récupérer, pourtant il faut réagir vite si on veut rentrer : avec Damien on assure l’essentiel du travail, sans succès.
Les écarts se creusent à tous les étages de la course : au deuxième passage du Markstein on est à 1’30 », je récupère un bidon et me force à manger même si je sens que pas grand chose n’est assimilé depuis le départ 🙁 Sans m’affoler je prends les difficultés au fur et à mesure : la longue redescente sur Lautenbach permet de se refaire la cerise à mi-course. Elle permet également à certains de revenir et aux hommes de tête de prendre définitivement le large (quasiment 4′).
Toujours pas grand monde pour rouler à part Bob, Damien et moi ; on assure un tempo raisonnable sans trop puiser dans les réserves, Bob s’occupant des parties montantes. L’allure monte d’un cran dans le col du Bannstein, puis le col du Firstplan. Proche des 5 W/kg ça suffit à écrémer sérieusement le groupe après 3h30 de course, avant de basculer sur Wasserburg où je récupère un dernier bidon avant les choses sérieuses. Un léger cafouillage dans la zone de ravitaillement nous laisse Damien et moi en tête de groupe.
Dès le pied du Petit Ballon le ton est donné : un mur de près de 15 % fait mettre tout à gauche, avant de retrouver du 8 % moyen pendant 8 km. Bob fait l’effort pour revenir, sans me retourner j’impose mon rythme à mi-pente. 4,5 W/kg n’ont rien d’affolant, mais suffisent à creuser l’écart avec nos adversaires directs, et même Damien qui craque à 2 km du sommet. Seul Bob m’accompagne dans la descente, où je commence à sentir frissons et euphorie. Pas bon signe, je mange à nouveau mais la barre à l’estomac est de plus en plus présente…
Ce que je craignais depuis un moment finit par arriver dans le col du Platzerwasel : en fringale après 2 km d’ascension je me gare et laisse filer Bob, incapable d’absorber autre chose que de l’eau à 40 km de l’arrivée ! Moralement le coup est rude, bien que je navigue encore vers la septième place. Pas loin du sommet je vois passer un petit groupe avec Hervé Gebel, qui comme à son habitude gère parfaitement son épreuve.
Cela m’éjecte du top 10 ; maintenant l’essentiel est de rallier l’écurie en bon état 😛 L’ascension au Breitfirst est un calvaire, avant de me laisser glisser jusqu’au Markstein. Le vent souffle fort de côté, plutôt favorable pour remonter au Grand Ballon alors qu’un groupe de trois me revient dessus. Miraculeusement le sucre absorbé depuis le départ finit par passer dans le sang, et je retrouve des jambes pour suivre et même en remettre une bonne couche avant le sommet 🙂
Plus qu’un homme descend avec moi sur le col Amic, avec des rafales qui imposent la plus grande vigilance dans le trafic estival du col (motos, voitures et bien sûr cyclosportifs du jour). Regonflé à bloc j’attaque bille en tête la courte remontée au Vieil Armand, avant de revenir sur Wattwiller dans une descente rapide où le groupe se reforme. Virage serré à gauche, on passe le 36*28 une dernière fois pour avaler les 2 km @ 10 % vers Hirtzenstein.
Imposant mon rythme aux autres j’en élimine un, puis deux… pour faire sauter le troisième dans un long sprint en force à 300 m de la ligne. Onzième scratch à plus de 20′ du jeune vainqueur Simon Combes (pas encore vingt ans !) c’est évidemment très loin des ambitions initiales. Mais compte-tenu des soucis gastriques rencontrés pendant l’épreuve c’est une très bonne chose de terminer un parcours aussi exigeant. Cela méritera évidemment une revanche en 2018 🙂
Un dernier mot sur l’organisation, qui a frôlé la perfection ce dimanche. Accueil **** des participants, efficacité et sécurité… Un tour de force sachant que trois parcours se croisaient sur la route des crêtes, en plus du trafic routier estival habituel. Une réussite avec une réelle volonté d’interdire les véhicules suiveurs et limiter strictement l’assistance/ravitaillement à des zones bien spécifiques. Avec un parcours superbe et une météo optimale voilà une épreuve qui a de sérieux atouts pour devenir une classique du calendrier.
Résultat(s) : Alsacienne – grand parcours
Bravo !
Même les meilleurs ont des hauts et des bas, c’est rassurant.
Quand tu parles « organisation au top », peux-tu développer ce que les organisateurs ont réussi de mieux que sur les autres cyclos ? En particulier, la sécurité des coureurs, les ravitaillements, les voitures suiveuses, l’organisation du départ…
14ème scratch avec une fringale … respect !
Dans le fond, certes tu as perdu le top10 mais entre la 8ème place que tu espérais avant la fringale et la 14ème place au final tu t’en sors bien.
@ Gilles : oui ces dernières saisons j’ai eu énormément de hauts avec une régularité monstre épreuve après épreuve, jamais de gros coup de mou physique ni pépin ponctuel (physique ou mécanique)… forcément on s’y habitue, mais jamais rien n’est acquis d’avance sur un vélo, tant de trucs peuvent se passer le jour J surtout quand on arrive affûté comme un rasoir, qu’une canicule persistante met le corps à rude épreuve… bref on fait au mieux.
Concernant l’organisateur je dirais qu’elle est au (très bon) niveau de ce propose LVO en terme de repas et de convivialité (malgré 1750 participants), un bon cran au-dessus au niveau du package d’engagement (vin + bière + quelques sympathiques produits locaux qui ravissent le gourmand que je suis 🙂 )… Enfin niveau sécurité y’avait des signaleurs partout, des panneaux doublés voire triplés aux intersections un peu serrées, à chaque pied de col un récapitulatif de la longueur, difficulté, etc. et une demi-douzaine d’arbitres FFC pour faire un pointage régulier des dossards (en plus des 6 points de contrôle chrono), dégager les voitures suiveuses et donner des écarts. Du coup pas de véhicules derrière le groupe en permanence, hormis la moto ouvreuse et le commissaire FFC, c’était carrément moins la foire qu’à la Marmotte ou aux Trois Ballons, pour donner un exemple classique.
Quant aux ravitos t’avait l’emplacement habituel pour prendre de l’eau et (éventuellement) t’arrêter déguster les produits locaux (fromage, charcuterie) ou énergétiques (PowerBar), et un peu plus loin un emplacement obligatoire où les accompagnateurs pouvaient filer un bidon (tout ravitaillement hors de cette zone pouvait être motif d’avertissement/disqualification). Libre à chacun ensuite de se rendez-vous avec ses proches à ces endroits pour se faire ravitailler, c’est ce que j’ai fait avec mes parents qui m’ont retrouvé à ces emplacements prédéfinis.
Enfin le parcours est très bien dessiné avec peu ou pas de vallée et des difficultés croissantes au cours des heures, un petit paradis vosgien pour grimpeurs d’un peu plus de 6h 🙂
@ Florent : oui je m’en tire bien… à 40 bornes de la ligne, je pensais sérieusement à l’abandon tellement j’avais mal au ventre sur le vélo, sans forces.
J’espérais secrètement un podium ou top 5 par rapport au classement 2016, mais le niveau et la densité cette année n’étaient pas tout à fait les mêmes… il m’aurait fallu rouler 10-15′ plus vite sur l’ensemble de l’épreuve pour réaliser l’objectif initial, pas sûr du tout que c’était dans mes cordes hier, même en basculant avec les meilleurs lorsque ça se joue après 2h de course.
C’est la première fois de l’année que je dépasse 6h en mode course, forcément y’a une part d’inconnue surtout quand on arrive entamé après une semaine éprouvante (même avec peu de vélo). Peut-être aussi la faute à un programme trop chargé en mai/juin (l’enchaînement Vercors -même avec abandon- Trois Cols et Albigeoise m’a cramé plus que prévu), donc on va faire light jusqu’au prochain rdv dans 15j : Serre-Che (grand + moyen parcours sur samedi/dimanche) suivi de l’Arvan-Villars autour du 14 juillet. En gérant les courses un peu plus en dedans au départ (du moins, essayer 😛 ).
Ah oui, c’est du sérieux !
Je ne suis pas sûr que les petits clubs comme le BABC arrivent à trouver les moyens nécessaires pour faire aussi bien sur la Faucigny Glières par exemple. Sur cette cyclo, un bon nombre de signaleur a plusieurs postes, par exemple dans la descente du 1er col jusqu’à 10h, puis ailleurs (Bonneville) à 10h30…
C’est de la gestion « au mieux avec les moyens du bord ».
Oui c’est sûr y’a pas le même contingent de bénévoles à disposition… et davantage de circulation du côté de Bonneville ou le Grand-Bornand que dans les Vosges faut bien le reconnaître.
Après nous sommes sensés respecter le code de la route ; les commissaires FFC étaient là aussi pour sanctionner les abus (tout comme les déchets)… et dans l’ensemble les directives étaient respectées et les descentes prudentes.
Encore bravo pour ta performance de Dimanche. Cela fait maintenant 2 bonnes années que je te suis et j’étais content de pouvoir échanger quelques mots avec toi lorsque tu quittais le stade. Je vois que tu as apprécié le paysage de ma région et l’organisation mise en place par Michel Brayé et son équipe. Je ne manquerai pas de lui faire remonter tes commentaires. J’aurais grand plaisir à te revoir sur la ligne de départ en 2018. Je te souhaite beaucoup de réussite pour la suite de ta saison et en particulier sur la Serre Che, épreuve que j’apprécie tout particulièrement.