Comme en 2015 je rends de nouveau visite à ma ville natale pour une double ration de montagne, entre Hautes-Alpes, Italie et Savoie. Premier acte du week-end : le Granfondo qui nous emmène en Italie via le col de l’Échelle, avant de revenir en France par le Mont-Cenis, la Maurienne et l’enchaînement col du Télégraphe-Galibier… Autant dire que la défaillance est interdite sur un tel chantier ! Moins de 200 coureurs au départ sous un franc soleil et une température généreuse malgré l’heure matinale : il fera très chaud tout à l’heure. Dans le sas je croise Valentin Lacroix, Pierre Ruffaut, Dario Giovine, Stefano Sala et Fabio Cini (récent vainqueur du Marathon des Dolomites).
Le départ neutralisé jusqu’au Champ de Mars est tranquille, les 220 km du jour font peur à tout le monde et ça embraye gentiment sur la route de Névache, encore à l’ombre. Peu avant le village virage à droite pour les derniers kilomètres du col de l’Échelle, ça ne rigole plus : Pierre fait une grosse sélection dans la partie la plus raide, relayé par Stefano et tous deux plongent à bloc dans la descente. Celle-ci est étroite, technique et bosselée : bien que la route soit fermée côté italien ça va vite, très vite et seule une douzaine de coureurs parvient à s’accrocher aux branches. Souvent tout à droite dans les parties rectilignes je me félicite d’avoir monté un 52 dents quelques jours plus tôt 😛
La course est lancée, très rapide si loin de l’arrivée et les relais sont particulièrement appuyés jusqu’à Suse… Pas le temps de s’ennuyer ! J’arrive quand même à me ravitailler au pied du col du Mont-Cenis, où les Italiens locaux nous encouragent (y compris de leur voiture). Le tempo est soutenu mais reste sous les 5 W/kg : parfait. Calé dans les roues je poursuis cette longue ascension (25 km) en souplesse. Il fait déjà chaud lorsque Pierre et Stefano mettent un premier coup de semonce à 6 W/kg. Je ferme la marche en queue de groupe avec Dario : plus que sept coureurs en tête. A mi-pente mon ancien équipier pontois baisse pavillon et je l’imite quelques minutes plus tard, pensant (déjà) à la suite du menu…
L’écart enfle lentement mais sûrement : dans un replat sous le lac nous unissons nos forces pour limiter la casse, le reste des poursuivants est déjà loin. Au cap des 2000 m je faiblis autour de 4.5 W/kg, alors que Dario continue d’écraser les pédales sans signe de lassitude. Il m’attend au sommet que nous franchissons ensemble à 2′ de la tête, avant une descente rapide mais prudente. Une dizaine de kilomètres plus loin nous traversons Lanslebourg pour entamer la partie la plus pénible du périple : 40 km de vallée jusqu’à St-Michel-de-Maurienne. A deux c’est long, très long ; heureusement pas de vent de face pour nous ralentir et nous progressons efficacement. Je sens néanmoins que je laisse trop de forces dans cette section, alors que nous perdons beaucoup de terrain face au meilleurs.
Le virage à gauche en direction du col du Télégraphe est une délivrance, bien que je sois très entamé. Pointé à 9′ des meilleurs j’abandonne toute idée de podium ou top 5, sauf défaillance improbable de jeunes coureurs devant… Dario attaque l’ascension tambour battant pendant que je fais le plein d’eau au pied : largement plus aérien que moi je le perds logiquement de vue. A peine 4 W/kg au compteur, ça n’avance pas bien vite de mon côté ; guère rassurant sachant qu’il reste encore 30 km d’ascension. Concentré sur l’effort je me hisse jusqu’au sommet, me ravitaille à nouveau avant de plonger sur Valloire, en mode gestion/survie depuis longtemps 🙁
Il fait chaud (25°C), le vent souffle favorablement mais à la sortie de la station savoyarde je suis de plus en plus mal. Sans forces et incapable de relancer j’avance à un rythme particulièrement faible (3.5 W/kg), comptant les kilomètres jusqu’au col du Galibier. Plan-Lachat ne passe pas mieux, plus que 8 km en altitude : je m’arrache comme je peux, tantôt en force tantôt en danseuse, sollicitant énormément le dos. Derrière les écarts sont abyssaux et je ne vois personne à moins de 10′, la septième place semble acquise à condition de franchir la ligne. Je reprends un peu de vigueur après les Granges, pour m’écraser complètement dans le dernier kilomètre après le tunnel où je bascule -enfin- dans les Hautes-Alpes 🙂
Arrêt pipi + rhabillage, on n’est plus à ça près… La descente jusqu’au col du Lautaret est fermée à la circulation mais plus très lucide je ne prends aucun risque, d’autant que le dos commence à me faire souffrir. Au col il reste 20 km à couvrir, heureusement descendants avec un fort vent dans le dos. Ca file à 60 km/h presque sans pédaler, jusqu’à Monêtier-les-Bains où il faut un peu appuyer dans les parties plates. Les derniers kilomètres passent relativement vite, toujours avec un dos récalcitrant et des douleurs musculaires dans tout le corps. Un dernier effort et je coupe la ligne en 7h28′ (7h13′ temps officiel) à des années-lumières du vainqueur Fabio Cini… qui a sans doute franchi la ligne d’arrivée alors que je n’étais pas encore au Galibier, 30 km plus haut !
Stefano Sala et Valentin Lacroix complètent un podium de haute volée qui a fait exploser les chronos de l’an passé ; Pierre Ruffaut doit se contenter de la médaille en chocolat devant Dario, auteur d’une impressionnante remontée dans le Galibier pour compléter le top 5. De mon côté de la déception avec l’une des journées les plus difficiles que j’ai passées sur un vélo (sans doute à cause d’une première moitié beaucoup trop rapide), et en même temps satisfait d’être enfin débarrassé de mes soucis gastriques. Place maintenant à la récupération, une bonne nuit de sommeil avant de ferrailler dans l’Izoard dès demain matin 🙂
Résultat(s) : Serre-Che Luc Alphand – Granfondo