Après un excellent week-end au Ventoux, voici l’un des gros morceaux de la saison dans les Vosges, avec les Trois Ballons nouvelle formule. Au revoir la Planche-des-Belles-Filles, bienvenue au col des Chevrères et route des 1000 Etangs, qui s’ajoutent aux difficultés traditionnelles (Ballon d’Alsace, Grand Ballon) de cette classique du calendrier. Après une semaine passée principalement à récupérer de mes efforts provençaux, j’ai une certaine appréhension au départ. Faire une course de sept heures et plus de 200 km reste un défi contre soi-même, et je garde un souvenir « hypoglycémique » de ma dernière prestation dans les Vosges en 2011.
Heureusement l’été se montre enfin ce samedi matin : 16°C au départ, pas de vent, un grand soleil… Des conditions météo idéales, de plus famille et amis seront là pour m’encourager et me ravitailler sur le parcours : à moi de ne pas les décevoir. Parmi les 4300 participants (un record !) on retrouve la crème du cyclosport avec un fort contingent de Belges, Hollandais ou Allemands : Michel Snel, Bart Bury, Éric Leblacher, David Polveroni, le team Grinta… La liste des favoris est longue, impossible d’être exhaustif.
Le départ est donné de Luxeuil vers 7h30, et malgré un dossard prioritaire c’est difficile de remonter parmi les vingt premiers avec de multiples ronds-points et ilôts directionnels. Je reste très attentif au milieu d’un peloton très compact, et attends patiemment le passage à Faucogney pour pouvoir remonter devant dans les premières difficultés. C’est chose faite au prix de quelques efforts, pas inutiles pour négocier les descentes tortueuses, bien placé. J’aperçois furtivement Olivier Dulaurent et Hugues Rico, deux autres références en cyclosport.
Nous voilà au col des Chevrères : la première partie jusqu’à Miellin est roulante, tandis que la seconde offre des passages jusqu’à 15 % ! Dans les dix premiers au pied, je me bats lorsque l’allure s’accélère sous l’impulsion de Michel Snel. Bien entendu le groupe explose, David remonte aux avants-postes et dans les plus forts pourcentages je ne peux rivaliser avec les tous meilleurs, me concentrant d’abord pour franchir ces pentes infernales sans patiner. Je passe au sommet avec 30″ de retard et ne m’inquiète pas trop ; devant ça devrait se regarder dans une descente difficile à négocier.
C’est effectivement le cas et je reviens progressivement sur le groupe, tout en admirant la forêt vosgienne sous un soleil matinal. Une groupe d’une cinquantaine d’hommes se reconstitue : quelques-uns ont pris de l’avance avant le Ballon d’Alsace (jusqu’à 3′), mais cela n’inquiète pas les favoris. Tout le monde profite du long faux-plat descendant sur Auxelles pour se ravitailler, moi compris. Je retrouve Hervé Gebel dans les premières positions du groupe : malgré sa chute du weekend précédent il semble lui aussi tenir la grande forme ce matin. Un peu plus loin je retrouve mes supporters et ravitailleurs : tout se passe parfaitement.
Jusqu’au pied du Ballon d’Alsace je ne quitte plus les premières positions du peloton. L’allure est peu soutenue au début, mais l’accélération progressive : Sander Smits commence le travail de sape, bientôt relayé par Michel Snel en personne. Là ça ne rigole plus : les meilleurs sont devant et ça écrème progressivement par l’arrière, lacet après lacet. Bien calé dans les roues je tiens le choc sans griller trop de cartouches ; au sommet nous voilà revenus à 2′ de la tête de course. Pascal me tend un premier bidon : le timing est idéal et je me lance dans la descente sur Sewen parmi les cinq premiers.
Surpris par l’alternance ombre/soleil je ne vois pas un trou sur la route et le prends de plein fouet : pas de casse mais j’y perds mon bidon fraîchement donné :(. Il m’en reste un autre quasiment plein, c’est moindre mal. Plus bas je vois Hervé qui fait la descente à bloc, sur des trajectoires au cordeau. Malheureusement il perce de l’avant, et ne parviendra pas à revenir sur le groupe. A Sewen celui-ci s’est reconstitué, et je profite de quelques instants de calme pour me ravitailler à nouveau : 90 km et presque trois heures de course sont accomplis. Certains cherchent à anticiper le col du Hundsruck, ce qui secoue un peu le groupe.
Le col se gravit en deux parties ; aux alentours des 100 km de course l’allure élevée commence à brûler les cuisses. Plus qu’une vingtaine de coureurs au sommet où je récupère un autre bidon ; nous approchons à grands pas du Grand Ballon, qui devrait forcer la décision. La descente sur Bitschwiller est rapide, et le feu est au vert avant d’attaquer la plus longue ascension du jour, via le col Amic. Dès Willer-sur-Thur l’allure s’accélère : pour avoir gravi ce versant avec Alban et Hervé en août dernier je sais que la pente est très régulière, malgré un ou deux replats initiaux.
Le groupe se réduit fortement, et bientôt je ferme la marche d’une bonne douzaine d’hommes. Un rapide coup d’œil au compteur confirme mes sensations : à 300 watts j’ai encore de la force après 3h30 de course, sauf qu’il va falloir gérer la seconde moitié. Je décroche une première fois au train et arrive à recoller, profitant du peu d’abri offert par une voiture suiveuse. Mais sur une autre accélération le groupe explose, et je décroche seul à quelques hectomètres du col Amic. Sans trop faiblir je continue mon ascension au train, gardant en point de mire deux coureurs devant, et maintenant l’écart avec quatre autres derrière.
La forêt devient plus clairsemée, le soleil de midi tape dur et je transpire abondamment. A trois kilomètres du sommet le groupe de quatre revient sur moi ; préférant mener plutôt que subir (en montagne) j’assure le tempo sans me retourner. Pascal prend quelques photos au sommet ; dès les premiers mètres de descente je me ravitaille, perdant le contact avec le groupe. Petite erreur, car cela va me coûter quelques forces en poursuite. Heureusement un coureur attardé me rejoint, et nous collaborons efficacement pour rentrer sur la demi-douzaine de coureurs qui nous précède.
Dans la longue descente sur Kruth j’estime ma position autour de la vingtième place, après 150 km de course. Il doit rester deux bonnes heures de selle, lorsque Frédéric Lubach revient en trombe sur nous. Connaissant ses talents de descendeur je ne suis même pas étonné, et il prend de suite un gros relais à 60 km/h. Revenant à sa hauteur je lui dis qu’on ne sera pas nombreux à pouvoir relayer à cette allure, et nous plaisantons sur les différences de gabarit entre grimpeurs et rouleurs. A peine le temps de profiter de la vue sur le lac, que le col d’Oderen se profile.
Sur le papier 6 km @ 5.4 % n’ont rien d’insurmontables, sauf qu’après 155 km de course ça suffit à faire éclater le groupe. Les deux meilleurs grimpeurs du lot se détachent, Frédéric décroche tandis que je suis un peu dans le dur pour suivre les trois qui restent. Au détour d’un virage nous apercevons Sjef Graafmans (une vieille connaissance du Ventoux) puis Éric Leblacher, eux aussi en difficulté. Ils ne peuvent suivre notre allure, et je réalise que c’est difficile même pour les meilleurs… Alors je m’accroche pour basculer au sommet. La descente sur Ventron est rapide, et le col du Ménil avalé dans l’élan.
Nous voilà quatre entre la quinzième et la vingtième place (d’après un spectateur), et les kilomètres défilent rapidement jusqu’au Thillot. Personne devant ni derrière, je suis entouré de bons rouleurs dont David Motte du team Grinta : l’objectif est de les accompagner le plus longtemps possible. Dans le col des Croix j’assure un rythme léger, et reprends un bidon au sommet. Le soleil est caché derrière les nuages, ce qui atténue la sensation de chaleur ; je devrais avoir assez d’eau pour finir. Derrière ça discute beaucoup en belge : l’ambiance est décontractée et personne n’a envie de livrer bataille tout de suite.
Bientôt le kilomètre 190, avec les fameux « murs » de la route des 1000 étangs. Virage à droite avant Servance, et c’est le moment de vérité. On passe tout à gauche, et on s’arrache en évitant les crampes. Un peu lent à l’allumage je ferme la marche du groupe, mais revient progressivement : plus bas Éric est revenu très près après une grosse poursuite. Le replat au sommet est de courte durée, mais les jambes répondent encore dans le mur suivant, puis le troisième… Je me retrouve à mener le groupe, encouragé par mes parents sous le sommet. Cette succession de montées/descentes est interminable, et j’attends impatiemment le panneau des vingt derniers kilomètres.
Celui-ci arrive enfin au sommet du plateau, avant une descente technique sur Esmoulières. Après 6h15 de course je suis encore lucide pour éviter les pièges, et me ravitaille une dernière fois avant les quinze derniers kilomètres. A Faucogney virage à gauche, et dernière longue ligne droite jusqu’à Raddon : Marjorie, ma sœur est venue m’encourager avec Anthony, son compagnon ; il est hors de question de lâcher maintenant. Les relais sont encore efficaces malgré la fatigue, et je réfléchis à la tactique pour le final (sachant qu’on est tous sur les rotules).
Réflexion interrompue par une attaque d’un Belge à trois kilomètres du but. Son compatriote réagit de suite, et je reviens sans trop de mal dans les roues. L’un de mes compagnons me fait alors remarquer une crevaison lente de l’arrière : le sprint semble compromis. Je me fais une raison, et entre dans Raddon en tête pour le dernier virage. Le dernier kilomètre est en léger faux-plat, et l’autre Français du groupe démarre instantanément, sans que je ne réagisse. Un dernier coup d’œil derrière m’assure la dernière place du groupe, la 19° au classement scratch en 6h48… Troisième Français 🙂
Un quart d’heure plus tôt le Belge Frédéric Glorieux l’emporte détaché devant Michel Snel et Bernd Hornetz. David intègre le top 10 quelques minutes avant moi ; au final les écarts sont plutôt resserrés après quasiment sept heures de course. Après une grosse défaillance en 2011 j’ai su tenir la cadence jusqu’au bout, malgré un final compliqué et une course intense. Bref je suis comblé par ce résultat sur une durée similaire à la Marmotte ; en consolidant mon avantage au Grand Trophée je peux envisager très sereinement les prochaines manches à Morzine, puis en Oisans pour le grand rendez-vous de juillet.
Résultats : Trois Ballons – Master
Encore bravo, j’aurais bien aimé être présent…..
Sûr que c’était la journée idéale… sauf pour la roue arrière qui a pris un beau taquet dans l’histoire (une chance d’avoir pu finir comme ça après coup) 😛
Belle course. Ca promet pour le mois de juillet…
Ouais, y’a moyenne de passer sous les 6h30 (le top 20 sera compliqué par contre)… En attendant y’a la Morzine et surtout la Vaujany, où j’ai toujours fait mon petit craquage à un moment ou un autre 😛
Bonne chance pour le Tour de Haute-Provence !
salut roro vive le champion super bien formulé et argumenté chapeau à l’année prochaine
les caso
On se reverra en août… pour mes trente ans 😉
Dommage cette roue arrière, à te lire tu avais l’air d’être au moins aussi bien que les autres pour le sprint
Oui enfin vu la configuration du sprint (ligne droite débouchant sur un rétrécissement gravillonneux), pas sûr que j’aurais tout risqué pour gagner trois places. Le top 20 me comblait ; à la limite j’aurais dû tenter ma chance dans la dernière difficulté (mais vu les rouleurs derrière ils m’auraient repris vite fait ;)).
Donc pas de regrets ; d’ailleurs vu l’état de la roue au démontage (un bon poc) j’ai eu de la chance de pouvoir faire 120 bornes en l’état, sans m’en rendre compte dans les descentes…
Au fait j’ai vu que tu avais fait le triptyque du Fontanil : tu mets combien au Mont-St-Martin ? (par curiosité)
Aucune idée…je n’avais pas de compteur et j’ai relâché sur la fin vu ma déroute…Je vais demander le temps à Pierre L. demain.
(bonne fête)
24’30 à priori, du pied du dur!
D’accord… Strava me donne 23’41 » jusqu’à la ligne tracée au sommet 🙂
Sinon j’ai vu que Geoffrey a fait fort à Savoyères (j’ai finalement fait l’impasse pour dormir à Morzine le samedi soir ; pari payant avec un nouveau top 10, juste derrière G. Novel ;-)).
23’41 ça fait une belle montée 🙂
Ouai Geoffrey a fait un joli temps mais je crois qu’il est en manque de compétition…Mickael à l’air d’être intouchable en ce moment.
Tu as bien fait de faire l’impasse, c’est joli ce top 10, le podium se rapproche!
Mika est intouchable dès qu’on approche du Trophée de l’Oisans de toute manière 🙂
La condition s’affine pour les gros objectifs de la saison, y’a plus qu’à brûler un cierge pour la météo… Tu fais la Vaujany ?
Pas besoin de craquer une allumette il va faire meilleur et surtout pas trop chaud.
Pas de Vaujany, trop de boulot mais ce n’est pas l’envie qui manque de revenir en cyclo.
Faut que je chope Phanon à l’entrainement, j’ai l’impression qu’il est pas au top.
T’inquiète il marche fort le Matheysin… il faut juste qu’il s’améliore en descente (sur le podium à Joux-Plane, 4° à Morzine 10 km plus bas ^^).
Pareil dans la descente du Corbier ; sur l’enchaînement Vaujany/Marmotte ce sera encore une bonne roue à prendre en montée !
Oh!!Trièvois!!
C’est Mick le Matheysin 😉
Avec Sarennes refait il sera mieux que les autres années sur la Vaujany
Ok ok 😀 (même si Mick nous fera aussi mal à la g*)
En fait Sarenne n’est pas refait du tout : quelques trous ont été bouchés, mais y’avait encore pas mal de gravillons il y a 10 jours… et ça ne changera probablement pas d’ici la Vaujany ou le Tour 🙁
M’enfin on fera avec.
Bonjour rodolphe,
J’ai lu quelques histoires de votre blog. Mais j’ai un question. Quel watt/kg sont necessaire pour un placement dans le classement general comme toi dans le trois ballons? Par example le moyenne watt/kg dans le grand ballon et les autres montees?
Ca sera gentil que tu peux m’envoyer un email.
Merci,
Ruud
Bonjour Ruud,
Ça dépend beaucoup de la fraîcheur au moment de gravir le col (début, milieu, fin), sachant que plus on avance dans le temps, plus la puissance diminue en principe. Par exemple dans le Grand Ballon (après 100 km de course et deux cols : Chevrères + Ballon d’Alsace) j’étais à 270 W de moyenne sur 50′, soit 4.5 W/kg. Et sur une Marmotte bien gérée je finis l’Alpe-d’Huez autour de 250 W (4.1 W/kg)…
En regardant ma trace Strava tu auras les valeurs moyennes dans chaque col des Trois Ballons ; sachant que je pèse 60 kg tu auras juste une division à faire pour obtenir le rapport poids/puissance.
@+
Rodolphe, j’ai une question quand à l’entrainement que tu réalise lors de sorties longues.
Sur une sortie d’entrainement de 3 à 5h avec plusieurs cols, à quel pourcentage de la PMA réalises tu les ascensions? Est ce que tu fractionnes?
Au-delà de 4h, en général je fais chaque col à i3 (60-70 % PMA) avec le dernier à i4 (seuil, 75-80 % PMA) suivant les sensations. C’est typiquement le programme pendant une grosse semaine de foncier, ou pendant mes trois semaines de vacances d’été.
Sinon en pré-saison (ou pour un week-end sans compétition) ça m’arrive de caler un Gimenez sur le premier long col (45′ mini), puis de faire le reste à i3… sauf si j’en ai déjà fait le soir en semaine (je n’encaisse pas plus de deux Gimenez par semaine).