Trilogie de Maurienne #3

Dernière étape de cette trilogie et pas des moindres : comme en 2019 l’organisation nous a concocté un parcours très corsé, avec 135 km et 4600 m de dénivelé les écarts risquent d’être conséquents. Il fait encore très beau et la température est déjà agréable en vallée : un coupe-vent suffira. Les départs des différents parcours étant décalés, le peloton est de taille relativement modeste et plutôt tranquille au moment en sortant de la Tour-en-Maurienne. Du premier au dernier chacun connaît l’ampleur du chantier du jour, et personne ne tente une attaque boomerang dans le bout de vallée avant St-Etienne-de-Cuines, à peu près le seul endroit plat du parcours.

Trilogie de Maurienne #3Dans les roues à 40-45 km/h la mise en route est tranquille, pas besoin de jouer des coudes pour rester devant et garder un œil sur les différents protagonistes des deux jours précédents. J’aperçois de temps en temps la grande silhouette de Laurent Derain, venu se préparer en montagne pour son grand objectif de septembre : les Mondiaux Granfondo à Trento. Les 20 premiers kilomètres défilent ainsi, bras nus j’ai presque un peu froid à l’ombre mais l’intensité va monter d’un cran en montant au col du Glandon. Premier gros morceau de cette troisième journée, j’ai l’habitude d’y souffrir sous les coups de boutoir des adversaires.

Le pied est abordé très calmement : avec Laurent on roule côte à côte à un peu moins de 5 W/kg, les jambes tournent bien, parfait… pourvu que ça dure. Le rythme semble convenir à tout le monde puisque d’autres concurrents comme Cédric Richard relaient de temps en temps, sans accélérer pendant de nombreux kilomètres alors que l’écrémage se fait lentement par l’arrière. Passé le premier tiers Nathan Smith monte l’allure d’un petit cran : dans les roues ça passe pas trop mal avant le replat de St-Colomban-les-Villards où on se ravitaille une première fois. On repart de plus belle à la sortie du village, à 5.5 W/kg ça devient plus difficile pour certains mais on retrouve une quinzaine de costauds devant ; de mon côté le coup de pédale est toujours fluide mais le passage le plus difficile est encore devant nous.

Dans les 5-6 derniers kilomètres on prend un petit vent frais, ça joue à cache-cache entre deux relais derrière des concurrents qui prennent un peu de champ : nous arrivons à une bonne douzaine au pied des passages à 10-11 %. Samuel Equy donne le ton, suivi par Damien Jeanjean : un peu en retrait dans un premier temps j’arrive à maintenir l’écart et revenir avec un coup de pédale puissant et efficace : Laurent, Mathias Noël, Clément Cambier sont là mais c’est plus difficile pour Cédric. Dans les derniers hectomètres je me paie même le luxe de relancer et franchir le sommet en tête, ça n’arrive pas tous les jours alors on profite 😉

Trilogie de Maurienne #3Après une brève rupture de pente on remet en route vers le col de la Croix-de-Fer, vent de dos dans le faux-plat je mets un tempo léger jusqu’à basculer en tête… Car j’ai traditionnellement du mal avec la descente jusqu’à St-Sorlin-d’Arves. Peu en confiance je m’y fais vite déborder par Nathan et Damien, puis Mathias et Laurent mais je garde le cap pour garder les roues dans le village, car après la pente est plus douce et rouler en groupe est indispensable. Le plan est sans accroc, bien aidé par le ralentissement imposé en ville (30 km/h max sous peine de mise hors course) je file dans les roues vers le barrage de Belleville : jusqu’ici la course se déroule idéalement 🙂

Au pied du col du Mollard je mange à nouveau, et ça repart à 5 W/kg. Samuel, Abel Van der Windt et Stan Maassen prennent de l’avance ; concentré sur le classement général je me préoccupe de limiter la casse sur Damien (que j’aperçois un peu plus haut) et Mathias alors que Cédric lâche prise. Clément et Laurent s’accrochent au train en marche, qui se rapproche petit à petit du trio. Sans faiblir jusqu’au sommet nous basculons ensemble à moins de 30″ de nos adversaires et plus loin de Nathan qui semble hors de portée pour le moment… Pas d’arrêt boisson avant une descente périlleuse sur Albiez-Montrond, j’ai encore de quoi tenir un moment. Un seul objectif : ne pas me retrouver seul dans la transition jusqu’à St-Jean-de-Maurienne, cela passe par négocier au mieux les multiples lacets jusqu’à Gévoudaz.

Mathias y est plus à l’aise que nous, je lutte pour garder le sillage de Laurent au prix de grosses relances. En bas ça déroule avec Clément et (surtout) Laurent et on a vite fait de revoir les hommes intercalés : nous voilà sept derrière Nathan au pied de la Toussuire, il est temps de passer au plat de résistance. Toujours en jambes je remets un coup de gaz dès le pied, à mon allure sous une température qui grimpe. Damien et Laurent commencent à coincer et mon rythme semble convenir à tout le monde. Les bidons se vident, je guette une fontaine un moment et j’en vois enfin une en traversant les Bottières : ouf ! Arrêt express pour remplir un bidon, je repars avec Damien et une bonne trentaine de secondes de perdues.

Trilogie de Maurienne #3Reprenant ma marche en avant, je reprends d’abord Stan puis passe quelques kilomètres à revoir le trio, toujours en point de mire mais en lissant au maximum mon effort. C’est chose faite à 1 km du sommet, alors qu’Abel est sorti seul à la poursuite de Nathan. Samuel pioche un peu mais arrive à s’accrocher ; je remplis à nouveau un bidon au sommet, comme tout le monde… Si mes calculs sont bons me voilà tranquille jusqu’à l’arrivée. La descente vers le Corbier puis Villarembert est parfois piégeuse avec quelques ruptures de macadam (autant de preuves d’hivers rigoureux par ici) et Mathias taille des trajectoires au cordeau mais tout le monde se rassemble à Pierrepin pour le dessert de la journée : le col de la Croix-de-Fer. On a beau connaître les lieux, le panneau « sommet à 25 km » donne un petit coup au moral après 4h de montagnes russes.

Gardant un souvenir « hypoglycémique » de l’édition 2019 je veille à bien m’alimenter dans le faux-plat descendant qui nous emmène au pied du premier passage délicat : 5 km à 9 % sur une route parfaite. Toujours dans mon schéma de course je me cale à 5 W/kg et ça tient encore ; Samuel lâche prise et avec Clément nous revenons mètre après mètre sur Mathias (qui avait pris un peu de champ dans la descente). Quand, surprise après quelques minutes d’effort nous apercevons Nathan, collé au bitume. A 20 km de l’arrivée l’addition chronométrique va être lourde et tout redevient possible au classement général ; le moral regonflé à bloc je relance fort avant les tunnels, il n’y a plus qu’Abel devant et il ne doit pas être loin…

Mathias nous guide à nouveau dans la courte descente jusqu’au barrage : à partir de maintenant ça monte pendant 15 km, d’abord dans un long faux-plat jusqu’à St-Sorlin où mes deux compères me relaient dès qu’ils le peuvent, avec un vent plutôt favorable. Les kilomètres défilent plutôt rapidement jusqu’à St-Sorlin où je mange une dernière fois pour aborder les 7 km finaux @ 8 %. Dans le village le ton est donné : souvent tout à gauche ça devient compliqué pour tout le monde, la moindre relance ou accélération coûte cher et l’allure oscille entre 4.5 et 5 W/kg. Un peu en mode « automatique » je décompte les kilomètres : à chaque borne, une gorgée d’eau… Avec les concurrents des autres parcours difficile de savoir où se trouve Abel, quand nous l’apercevons enfin dans les trois kilomètres 😀

Toujours à la barre j’en remets un peu plus et nous le reprenons en quelques minutes : défaillant il ne s’accroche pas, nous voilà tous les trois en route vers le podium. Aux 2 km le break est fait, d’un commun accord Clément et Mathias ne me disputeront pas la victoire vu que je les emmène depuis 10 km : très bel esprit 😉 Cerise sur le gâteau, juste avant la flamme rouge je croise les copains du Team Vercors en pleine reconnaissance de l’Etape du Tour ; ils m’encouragent bruyamment et je finis le dernier kilomètre plein de frissons devant Mathias à quelques secondes et Clément à 1′. Abel finira au pied du podium à près de 3′, juste devant Guillaume Janvier pour le top 5. Voilà un épilogue presque inespéré au terme d’une cyclosportive dont la gestion a été parfaite de bout en bout ; avec près de 9′ d’avance sur Nathan (huitième) je remporte le classement au temps sur les trois jours, alors que je monte sur le podium du classement par points… Difficile de rêver mieux, maintenant place à la récupération car j’ai puisé très loin dans les réserves 😛

Résultats : Trilogie de Maurienne #3 / Classement général

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