Alsacienne

Les grosses cyclosportives du mois de juin s’enchaînent, puisque ce matin je me présente au bord du lac de Krüth-Wildenstein au départ de l’Alsacienne. Une épreuve relativement récente qui a tout d’une grande : que ce soit par la qualité de son organisation, son affluence (les 2500 dossards disponibles ont été pris d’assaut en quelques semaines à la fin de l’hiver) ou son parcours qui emprunte des cols vosgiens parfois méconnus du grand public, mais particulièrement difficiles. Comme lors de mes participations précédentes en 2017 et 2019 la météo est de la partie avec ciel bleu, soleil, chaleur un léger vent pour nous rafraîchir sur les hauteurs.

AlsacienneCôté forme je sens qu’une légère fatigue s’installe ; compte-tenu de la rudesse du parcours (195 km et 4850 m annoncés) je choisis de faire une course d’attente, et voir comment ça se passe au fil des difficultés. Arrivé bien tôt dans le sas commun à l’ensemble des participants, je m’élance dans les 100 premiers quelques secondes après le coup de pistolet de 7h30. La route est large, fermée à la circulation jusqu’au pied du col d’Oderen ; je me faufile aisément dans les vingt premiers, tout en croisant quelques cyclistes avec qui j’échange habituellement sur des forums. Virage à droite au km 3, on tombe le petit plateau et c’est parti pour la première difficulté où Jostein Verhaege imprime un gros tempo d’entrée, comme aux Trois Ballons y’a quelques semaines.

Autour de 5-6 W/kg ça m’arrange bien, je suis le mouvement dans les roues sans m’exposer car la route est longue… et nous montons les lacets au son du cor des Alpes : c’est la fête 🙂 Je reste dans les premières positions à la bascule car quelques minutes plus tard nous tournons à gauche vers le col du Page sur une petite route forestière. C’est court mais plus pentu, et surtout la descente est piégeuse sur route étroite, irrégulière entre ombre et lumière au petit matin. Comme d’habitude je subis dans les roues et rétrograde, sans stress car je sais que ça se regroupera vers le col de Bussang. Là aucun souci : c’est large et roulant, on le passe presque dans l’élan ; la descente est large et rapide et on revient à toute allure sur Fellering. L’heure de course approche et chacun se ravitaille car le premier gros morceau de la journée se profile.

AlsacienneA St-Amarin nous prenons à gauche en direction du col du Haag, via Geishouse. Une ascension proche des 8 % de moyen, mais avec moult replats et une petite descente au milieu, tout ce que j’aime (ou pas) 😛 Le premier mur dans le village donne le ton : tout à gauche et on écrase les pédales debout. Le groupe de tête explose en quelques hectomètres avec un gros tempo de Jostein, tellement soutenu que je perds le contact quelques minutes. A la faveur d’un replat je prends mon rythme et m’accroche au petit groupe qui comprend également Mathias Noël et Jocelyn Verdenal, un solide coureur local qui me donne quelques indications sur le terrain à venir. Après quelques kilomètres nous arrivons sur la route du Haag, réservée aux cyclistes et refaite à neuf dans les jours précédents ; dans la pente à 8-9 % c’est un privilège de rouler sur un tel billard, l’écrémage se poursuit et je me sens de mieux en mieux…

Au sommet nous sommes moins d’une dizaine avant d’aborder la route des Crêtes une première fois ; certains envisagent de tourner sur les parcours intermédiaires, autant dire qu’il faut rester ensemble le plus longtemps possible car il reste encore 150 km à couvrir. On attend tout le monde au ravitaillement du Markstein, avant la longue descente en pente douce sur Lautenbach. Encore dans les dernières positions je veille à bien garder les roues car il faut tout le temps pédaler ; au col du Bannstein en pente douce le groupe se relaie, histoire de garder nos poursuivants à distance. Les difficultés s’enchaînent avec le col du Firstplan où Jostein met à nouveau un gros rythme, ce qui finit d’entamer les plus faibles du groupe alors que se profile le premier juge de paix de l’épreuve.

Reconnaissant les routes empruntées quatre ans plus tôt je mène l’allure tout en me ravitaillant dans l’approche du col du Petit Ballon, où je compte bien faire une grosse sélection. Dès le pied à Wasserbourg ça ne fait pas un pli dans les pourcentages à deux chiffres ; le tempo de 5 W/kg suffit à faire exploser le groupe au cap des trois heures de course, en quelques kilomètres je me retrouve seul en tête avec Mathias qui s’accroche aux branches. Au sommet l’allure décline un peu, ce qui permet le retour de Kenny Kleijnen. Il prend lui-même l’initiative dans la descente délicate qui suit, comme en 2019 je n’arrive pas à m’engager totalement sur un revêtement irrégulier et piégeux. Mathias fait à peine mieux et nous arrivons en bas ensemble, à 30″ de Kenny avant d’entamer le col du Platzerwasel.

AlsacienneA peu près certain de pouvoir passer la seconde couche je reprends le manche à 5 W/kg ; à la faveur de lacets pentus nous apercevons Kenny et je fais des pointages réguliers. Parfois 20″, parfois 25″ : le Néerlandais résiste bien et le bras de fer dure la majeure partie de l’ascension. Malheureusement on coince un peu à sa poursuite et l’écart dépasse la minute au sommet ; dans le même temps Koen Van Geyt revient fort et fait la jonction au sommet. Le boulot n’est pas terminé puisqu’on file vers le col du Breitfist, un faux-plat qui nécessite de la force à ce moment de l’épreuve. Le solide Belge ne se pose pas de question et martyrise son gros plateau à 5-6 W/kg : Mathias ne cherche pas à suivre (il s’imposera sur le parcours intermédiaire une demi-heure plus tard) et je tiens jusqu’au panneau du col… avant d’exploser sur un relais en revenant sur la route des Crêtes 😛

Après 4h15′ de course j’imagine les écarts déjà conséquents et ne prends pas la peine de regarder derrière : au km 125 ça sent le rallye de 70 km pour rentrer à l’écurie. Je ne m’affole pas en me disant que le plus dur est fait et tente de rester efficace dans les parties roulantes, moins à mon avantage. Autour de 3,5-4 W/kg ça défile relativement vite et je repasse au lac de Krüth-Wildenstein après 145 km et 4h45′ de selle. Entre filer directement à l’arrivée où repartir sur la dernière boucle je ne réfléchis pas trop : virage à droite vers Wildenstein, un peu seul au monde. Mes parents sont toujours là pour m’encourager en approchant du col du Bramont, un vieux souvenir du parcours historique des Trois Ballons. La pente de 5-6 % est douce et régulière mais je suis très entamé musculairement ; pourtant bien alimenté je peine à dépasser les 4 W/kg.

Devant c’est à plus de 5 minutes et je ne vois personne loin derrière ; comme souvent j’active le mode gestion, de toute manière je ne peux guère faire mieux. Dans la courte descente on laisse la traditionnelle route des Américains sur la droite, pour aller chercher la montée de Blanchemer un peu plus loin. 3 km à 9 % qui vont forcément faire très mal après 155 km de course, mais je tiens au mental en me disant que c’est le dernier passage difficile. Les premiers hectomètres se passent bien sur la petite route forestière, mais à 4,5 W/kg dans du 10 % ça ne défile pas vite, et je m’écrase rapidement. Luttant pour maintenir 4 W/kg à 10-11 km/h je passe un sale quart d’heure et peine à apprécier la beauté du lieu. Une brève rupture de pente amorce le dernier kilomètre à 8 % pour enfin revenir sur la route des Crêtes.

AlsacienneUn vent légèrement contraire m’y accueille pour un troisième (et dernier) passage, ajouté au faux-plat montant j’en ai vraiment plein les socquettes. On réenclenche le régulateur jusqu’au Markstein ; encore 15 km à usiner le gros plateau et il n’y aura plus qu’à descendre jusqu’à la ligne. J’essaie d’être le plus efficace possible, en regardant un peu le joli paysage et surveillant ce qui se passe derrière de temps à autre. Enfin le dernier ravitaillement où j’avale un gel et mes parents me tendent un bidon d’eau, juste au cas où… D’autres concurrents des différents parcours me donnent un coup de main dans ce long faux-plat descendant ; la troisième place quasiment acquise je me motive pour franchir la ligne en moins de 6h30′ et laisse mes dernières forces dans la bataille.

Retour au lac, je reprends le même chemin du sas de départ emprunté à l’aube, une dernière relance dans les 300 derniers mètres montants et je coupe la ligne en 6h30′ : mission accomplie ! Bien m’a pris de finir aussi vite que possible, car Jostein arrive sur mes talons à une grosse minute tandis que Louis-Paul Niemerich (une vieille connaissance 😉 ) complète le top 5 à 7′ environ. Très loin devant Koen a repris et lâché Kenny dans l’enchaînement Bramont-Blanchemer (comme je le pressentais deux heures plus tôt) pour l’emporter en 6h17′ devant le Néerlandais en 6h21′.

Pas grand chose à regretter de mon côté, j’ai logiquement payé l’addition dans les 50 derniers kilomètres après avoir tenté un coup de poker au même endroit qu’en 2019 (sur une distance plus courte de 50 km, justement). Aucune erreur sur l’alimentation ou la boisson : avec des parents-supporters au top, une météo optimale et une organisation qui se met en quatre pour l’ensemble des 2500 participants ce fut une journée quasi parfaite où il ne manquait que la victoire. Mais je suis tombé sur plus fort, et ce podium scratch est un beau lot de consolation avant de couper des cyclosportives quelques semaines 😉

Résultats : Alsacienne – grand parcours

Strava : Alsacienne – grand parcours

Laisser un commentaire