Ardéchoise

Près de quinze ans après ma première cyclosportive, je m’attaque aujourd’hui à un mythe : l’Ardéchoise et ses 12000 participants répartis sur plusieurs jours (dont 8000 sur les parcours du samedi). Près de 8000 bénévoles sont là pour nous accueillir, c’est la fête du vélo et cela fait 30 éditions que ça dure… Dès la veille pour récupérer le dossard on ressent le gigantisme et l’efficacité de l’organisation, forcément rodée avec les années et un tel afflux de cyclistes. Côté parcours c’est là aussi une découverte ; bien renseigné en amont par mes amis cyclosportifs je sais que les 220 km vont être longs, difficiles et usants car jamais plats.

ArdéchoisePour une fois je ne me fixe pas de réel objectif dans le classement, tant cela peut varier en fonction des forces en présence, du choix de parcours en cours de route, etc. En entrant dans le sas prioritaire peu avant 7h00 je cherche seulement à profiter de l’ambiance, discuter avec les copains sous une météo qui promet d’être chaude et ensoleillée. Après quelques hectomètres neutralisés en légère descente l’imposant peloton coupe la ligne de départ réelle ; les kilomètres défilent vite sur un bitume parfait, avant de remonter vers le col du Buisson. L’allure est modérée, ça discute dans le peloton notamment avec Julien Gaillard ; engagé sur la Volcanique (176 km) il me rappelle les ravitaillements en boisson à privilégier ainsi que de rester patient, au moins jusqu’à ce que les parcours se séparent au km 70.

Cela tombe bien, je n’ai pas de super sensations pour le moment et sans quitter le top 20 du peloton je reste dans les roues. Même quand Vincent Arnaud tente sa chance avec Pierre Betelli et un coureur du parcours des Boutières je ne songe pas un instant à y aller : à plus de 200 km de l’arrivée c’est beaucoup trop loin et le risque de coincer dans le final est trop élevé. Je subis donc la rapide descente jusqu’à Lamastre, prends même une petite cassure en bas mais tout se regroupe avant le petit col des Nonières. Le round d’observation continue et nous perdons de vue le trio de tête pendant qu’on se ravitaille. Chaque village traversé est décoré aux couleurs de l’épreuve, il y a orchestre et sono quasiment à chaque fois avec des supporters, du jamais vu pour ma part et les 60 premiers kilomètres passent à toute vitesse 🙂

Le col de Mézilhac est roulant au pied, puis plus pentu à la moitié : plutôt actif jusque-là Damien Tarantola hausse franchement le ton, ça respire plus fort dans le peloton et je me cale dans son sillage avec Julien, à un peu plus de 5 W/kg. C’est parfait et je ne cherche pas vraiment à passer : avec les lacets nous apercevons le trio de tête (devenu duo, mais à ce moment-là on n’en sait rien) à 1 km devant, soit 2’30 » environ. Au sommet les 3/4 du groupe prennent à droite sur la Volcanique, nous laissant à une petite quinzaine sur la distance historique. La descente sur Laviolle est sinueuse, rapide sur un revêtement nickel à l’image de 90 % des routes empruntées ; je reste attentif au milieu du groupe mené par un équipier de Damien, prenant le temps de me ravitailler avant que la route ne se cabre de nouveau.

ArdéchoisePas de temps mort au moment de remonter vers la côte d’Aizac : c’est court mais avec 6-7 % de moyenne quelques hectomètres suffisent pour que Damien fasse une grosse sélection de quelques coureurs. Je fais l’effort pour recoller de suite ; au ravitaillement du sommet Damien s’arrête remplir un bidon, j’en fais de même comme l’essentiel du groupe réduit à une demi-douzaine. Le replat qui suit se fait en ordre dispersé sur une route forestière, avant que je fasse la jonction dans le col des Moucheyres. Là encore c’est roulant mais après trois heures les organismes commencent à fatiguer, la température monte et je me sens encore bien. La courte descente qui suit est pénible : jamais dans le bon tempo entre ombre et lumière, avec des virages serrés sur revêtement irrégulier je ne prends aucun risque et perds le contact avec mes adversaires, avec Léo Belchi calé dans mon sillage.

En virant à Burzet nous avons 30″ de débours en attaquant le col de Barricaude, la plus longue ascension du parcours. Après quelques kilomètres d’ascension nous doublons deux coureurs lâchés, il ne reste plus que Damien et Mathias Piron devant et on lisse au maximum l’effort vers 5 W/kg pour grappiller seconde après seconde. Léo est plus prompt à faire la jonction, je l’imite quelques minutes plus tard tout en profitant de la magnifique vue sur les canyons ardéchois. Aux Sagnes il y a un point d’eau : j’y remplis le deuxième bidon et mes compagnons font de même. Sur le plateau un léger vent de face nous freine mais les relais restent efficaces entre cyclistes généreux dans l’effort. Suivant les signaleurs nous sommes pointés parfois à 1′ ou 2′ des leaders : à la mi-course on cherche d’abord à avancer vite ensemble, en essayant de les apercevoir au loin avec le Mont-Gerbier-de-Jonc en toile de fond.

ArdéchoiseEn basculant au col du même nom, on ne remarque pas que Damien tourne à gauche sur l’Ardéchoise Vélo Marathon (qu’il remportera quelques heures plus tard 😉 ), alors que Mathias mène grand train dans la descente. C’est large, très rapide mais au bout de quelques relances je n’arrive plus à suivre le coureur de Bourg-en-Bresse qui s’en va seul à 90 km du but. Derrière on se relaie avec Léo, dans un long faux-plat descendant jusqu’à St-Martin-de-Valamas où le grand gabarit de Mathias lui permet de creuser l’écart. Les différents parcours se rejoignent au ravitaillement dans le village ; en un instant on ressent le gigantisme de l’épreuve avec des cyclo-randonneurs de partout, des orchestres, animations locales, etc. La route du col de Clavières est privatisée pour les cyclistes : aucun problème pour progresser rapidement entre les nombreux pelotons, alternant entre petit et gros plateau dans une montée usante, en plein soleil avec peu d’air.

Nous reprenons Pierre qui a cédé face à Vincent et n’a plus la force de s’accrocher à notre train. A ce moment-là je reste persuadé qu’on roule pour les quatrième et cinquième places… donc on appuie sur les pédales, boit et mange régulièrement alors qu’il reste encore 1h30 de course. Avec un rapide calcul boisson au sommet je me rends compte que ça va faire trop juste pour aller jusqu’à la ligne : il faudra s’arrêter une nouvelle fois pour reprendre de l’eau. Menant dans la courte descente qui suit je ne m’aperçois pas que Léo a un passage à vide ; dans le petit col de Rochepaule 4,5-5 W/kg suffisent pour que je m’isole au train avec jusqu’à 30″ d’avance sous un soleil de plomb. Les sensations sont étonnamment bonnes après 180 km de vélo, mais l’avantage est gommé lorsque je me fraye un passage dans le village pour remplir un bidon : une petite minute de perdue mais vu les écarts devant et derrière, autant ne pas économiser là-dessus et finir sans crampes 😛

ArdéchoiseLéo se refait la cerise dans le même temps, et on file ensemble jusqu’au Châtelard avant le dernier col de Lalouvesc. Avec 6 % de moyenne les premiers kilomètres ça pique dans les jambes, et il faut zigzaguer au milieu de concurrents de plus en plus nombreux et fatigués. Avec Léo qui tient bon dans la roue j’abandonne l’idée de finir seul et me contente de mener l’allure à 4,5 W/kg jusqu’au sommet, où le jeune Drômois pourra me donner un bon coup de main dans les 20 km descendants et roulants qui restent jusqu’à la ligne. Le dernier ravitaillement au sommet est tellement encombré que nous passons quasiment à pied sur la route, mais c’est pareil pour tout le monde et le trafic se fluidifie juste après, définitivement.

Sur une route toujours sinueuse mais sans piège (et quasiment sans voitures) je suis Léo qui n’arrête pas de doubler des concurrents ; la vue sur le relief est belle mais on reste concentré pour freiner, relancer, etc. Cette longue partie (pas la plus difficile malgré un léger vent contraire) prend fin en traversant Pailharès : la route redevient privatisée lorsque nous remontons les ultimes kilomètres jusqu’à la ligne d’arrivée. Il reste encore suffisamment de forces pour passer ce léger obstacle gros plateau, autour de 25-30 km/h. Pensant nous disputer les quatrième et cinquième places nous finissons ensemble en un peu plus de 6h41′, sans sprinter vu que c’est le temps réel (puce déclenchée sous l’arche de départ) qui fait le classement officiel.

A ce petit jeu je prends l’avantage pour 3″ sur Léo, pour finalement la dernière marche du podium puisque seuls Vincent (6h25′, nouveau record de l’épreuve après 200 km d’échappée !) et Mathias (6h33′) nous précèdent. Une très bonne surprise, surtout en découvrant l’épreuve 🙂 Sans avoir de super sensations j’ai livré une course très solide et patiente, qui s’est décantée relativement vite avec des grappes de coureurs isolés loin de l’arrivée… Tout ce que j’aime, bien que ça demande beaucoup d’influx physique et nerveux sur des routes tortueuses où on ne se relâche jamais vraiment (mes bras/épaules douloureux me l’ont bien rappelé dans le final 😀 ).

Au-delà du monde présent sur les routes ardéchoises (peut-être mon seul bémol de la journée, mais ça fait partie du folklore et on est prévenu) c’est vraiment une épreuve à part dans le calendrier, avec des milliers de bénévoles dévoués et toute une région qui « respire » la petite reine pendant une petite semaine, sur un terrain de jeu particulièrement adapté au cyclisme. Je devais corriger cette « anomalie » dans mon parcours cyclosportif, c’est chose faite et de belle manière tant l’épreuve s’est déroulée sans accroc pour moi le jour J. Place à quelques jours de récupération indispensables avant d’enchaîner avec l’Alsacienne dimanche prochain ; un autre très gros morceau où il faudra à nouveau être fort et endurant.

Résultats : Ardéchoise (220 km)

Strava : Ardéchoise (220 km)

7 réflexions sur « Ardéchoise »

  1. Plus qu’ailleurs, Saint Félicien et l’ardèche respire le cyclisme toute l’année !

    Bravo pour ta cyclo.

    T’es tu arrêté pour remplir les bidons à des ravitos, ou à des fontaines ?

  2. Merci Gilles, non aucune idée des fontaines sur le parcours, trop aléatoire…
    J’ai compté sur les points d’eau proposés par l’organisation : jusqu’au km 150 y’avait pas foule, et j’en ai compté une dizaine sur le 220 km. Puis sur le « gros » de Rochepaule (que je voulais éviter) car pas le choix, sinon j’étais à sec les 20 derniers km. Sans impact car mon groupe/binôme s’est arrêté en même temps que moi, personne n’était réellement assisté donc c’était à l’ancienne 🙂
    Au final 4 bidons 1/2 de 800 mL, pour une température comprise entre 13°C et 26°C pendant les 6h40’… pas trop déshydraté à l’arrivée, en parallèle j’ai consommé 6 gourdes de crème marrons de 85g : une par heure, simple, basique.

  3. Hello Rody,
    Comme beaucoup, j’ai fait l’Ardéchoise avec des copains ce samedi. L’un d’eux, qui poste sur le forum HFR, me demande de vérifier le nom du 3eme.
    Quelle ne fut pas ma surprise de constater que je connaissais ce nom!
    On a fait le même parcours mais pas avec les mêmes objectifs, ni les mêmes perfs:
    Tu as lutté pour les premières places, on a lutté contre les délais (avec le double de ton temps) 🙂
    En fait le nom du 4eme ne m’est pas non plus inconnu: je travaille maintenant avec le papa de Léo.
    Le monde (du vélo) est petit!
    Un grand BRAVO pour ta 3eme place et courage pour l’Alsacienne!
    A bientôt j’espère.
    Ton ancien collègue Joss.

  4. Ah ouais… excellent ! 🙂 le monde est petit effectivement… j’espère que tout roule pour toi (sur le vélo, et côté pro) ?

  5. Bravo pour la perf Rodolphe et tes récits toujours aussi plaisants à lire ! Incroyable qu’un cyclo de ta trempe n’ait jamais couru l’ardéchoise ! C’est vraiment une cyclo à part, une des plus belles à mes yeux pour l’ambiance festive qui y règne.

  6. Je suis un tout petit peu « agoraphobe » sur les bords 😛 donc voilà (et ça tombait souvent en même temps que la Morzine, qui me tient particulièrement à cœur). Superbe épreuve je confirme, mais l’organisation/logistique personnelle à prévoir en amont est un peu plus complexe que d’habitude.

  7. bravo à toi et à tout le monde,et aux bénévoles, j’ai fait 16 Ardéchoises, pas souvent la « course » mais roulé avec les potes, puis les Ardéchoises en plusieurs jours, puis les 2 dernières fois l’Ardèche Verte, le mercredi, , jeudi et vendredi visites avec madame, et l’Ardéchoise cool le samedi. Mais depuis 2012 nous avons renoncé, trop cher trop compliqué pour hébergements et voyage. Si nous revenons ce sera l’Ardèche verte uniquement et bénévoles le samedi.

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